href="styles.css" type=text/css rel=stylesheet>

Mission archéologique de Médâin Sâlih, antique Hégra - Arabie du Nord-Ouest

 

Auteurs des recherches : L. Nehmé. Crédits photos (par ordre d'apparition): Qasr al-Bint G. Ferrandis, détail décor tobe 93 LN, Le Diwan G. Ferrandis

Laboratoire : UMR 7119, février 2004.

La mission archéologique de Médâin Sâlih, en Arabie du Nord-Ouest, a commencé ses travaux sur le terrain en 2001 et a été officiellement placée, en 2002, sous la tutelle du Ministère des Affaires Etrangères, qui finance ses recherches. Elle est dirigée par Laïla Nehmé, chargée de recherche au Laboratoire des études sémitiques anciennes (UMR 7119). Cette mission résulte des efforts conjoints menés, depuis 1995, par plusieurs institutions françaises et saoudiennes, au premier rang desquelles figurent le Ministère des Affaires Etrangères, l'Ambassade de France à Riyad et le Vice Ministère des Antiquités saoudien. L'équipe Proche-Orient hellénistique et romain de la Maison René Ginouvès (UMR 7041) et ses membres, en particulier Jean-Marie Dentzer, sont également engagés, depuis son lancement, dans le programme d'étude du site.


L'antique Hégra, à environ 400 km au nord-ouest de la ville de Médine en Arabie Saoudite, est l'un des sites archéologiques majeurs du royaume saoudien et certainement l'un de ceux qui reçoivent le plus de visiteurs étrangers, même si ceux-ci sont encore peu nombreux. Hégra est la capitale méridionale du royaume de Nabatène et ressemble, par ses vestiges rupestres et notamment ses façades de tombes monumentales taillées dans le rocher, à la capitale politique du royaume, Pétra, en Jordanie. Le nom antique du site, ou un site du même nom, est attesté dans les sources littéraires grecques et latines (Strabon, Pline, etc.). Il apparaît également, sous la forme Hijrâ, dans les inscriptions nabatéennes. Quant au nom moderne, Médâin Sâlih, il signifie “ les villes de Sâlih ”, et a été donné au site au tournant de l'époque islamique, lorsque s'est développée la tradition selon laquelle le prophète Sâlih aurait prêché à cet endroit à la tribu de Thamûd.


Florissant au Ier siècle avant et au Ier siècle de l'ère chrétienne, le royaume nabatéen a étendu sa souveraineté sur tout ou partie, selon les époques, de la région qui s'étend de Damas au nord au Hijâz au sud. Les Nabatéens sont à l'origine des pasteurs nomades qui portent majoritairement des noms arabes et qui se sont peu à peu sédentarisés pour s'installer durablement en Transjordanie. Ils étaient fortement engagés dans le commerce à longue distance des parfums et aromates acheminés depuis l'Arabie Heureuse. Leur rôle de caravaniers et d'intermédiaires dans ce commerce lucratif leur a permis d'accumuler des richesses qui ont plus d'une fois suscité les convoitises de leurs voisins, et de Rome.


Dans ce royaume au territoire plus vaste que celui de n'importe lequel des pays du Levant actuel, le contrôle des points de ravitaillement était essentiel et de nombreux sites nabatéens ne sont guère plus que des stations caravanières assurant, sur un réseau de pistes parcourues par les caravanes, la sécurité et la perception de taxes douanières. Ce n'est pas le cas de Hégra, qui est située non loin d'une frontière supposée entre le royaume nabatéen et ce qui restait, au tournant de notre ère, du royaume de Dédân, la moderne al-‘Ulâ, 20 km au sud de Médâin Sâlih. Le site s'inscrit dans une large vallée alluviale plate, ponctuée de chicots gréseux moins imposants que ceux de Pétra, qui culminent au nord-est du site, dans le secteur du jebel Ithlib. Il se compose de trois, voire de quatre ensembles de vestiges, dont la répartition sur le site paraît d'emblée moins complexe qu'à Pétra. En effet, la zone résidentielle, les nécropoles et le secteur religieux ne partagent pas le même espace, même si quelques interférences sont possibles et attestées. La zone résidentielle se trouve dans la partie centrale du site et occupe, de manière peut-être discontinue, une superficie d'environ cinquante hectares. Elle est entourée d'un rempart en terre crue le long duquel ont été repérés des bastions, dont certains sont en pierre. À l'intérieur de ce rempart, des traces d'habitat ont été relevées en surface ainsi que dans les fouilles réalisées par le Département des Antiquités saoudien dans les années 1980 et de nouveau en 2003. Des traces d'un artisanat du métal ont également été relevées, en 2003, sur un petit tell. Un échantillon de loupe de réduction de minerai est d'ailleurs en cours d'analyse pour déterminer sa nature. Enfin, la mission a entrepris en 2002, dans la zone résidentielle, une prospection géophysique par magnétométrie différentielle, sur une surface d'environ 2,5 ha. Cette prospection a été réalisée par A. Kermorvant, du laboratoire d'archéométrie de l'Université de Tours, et a mis en évidence d'innombrables indices révélateurs de vestiges de constructions et d'aménagement de l'espace tels que place, rue, îlot, fournissant ainsi l'empreinte d'une véritable urbanisation.


Le second ensemble de vestiges est une nécropole, elle-même composée de deux groupes distincts de tombes. Le premier, le plus visible, qui a fait la renommée du site, comprend cent trente-huit tombes monumentales, dont quatre-vingt seize présentent une façade décorée comparable aux façades des tombeaux rupestres de Pétra, les autres étant de simples chambres funéraires ou des chambres rupestres vides. Ces tombes, partiellement décrites dans le Mission archéologique en Arabie des pères dominicains A. Jaussen et R. Savignac, publié au début du XXe siècle, ont été relevées, mesurées, photographiées et décrites systématiquement, du point de vue du décor architectural et des techniques de taille de la pierre, par les membres de la mission depuis 2001 (J.-Cl. Bessac, J.-P. Braun, J. Dentzer-Feydy, G. Ferrandis). Le second, moins visible, est une nécropole commune qui comprend de 1 500 à 2 000 tombes et qui a été relevée et étudiée en 2003 par I. Sachet.

Le troisième ensemble de vestiges comprend les monuments religieux qui sont tous, à trois ou quatre exceptions près, aménagés à l'intérieur et autour du massif le plus élevé du site, le jebel Ithlib. On y retrouve les niches à bétyles, autels, salles de banquet et petits sanctuaires à ciel ouvert dont les Nabatéens étaient familiers à Pétra. Tous ces monuments ont été relevés et décrits en 2002 par la mission. Enfin, le quatrième ensemble de vestiges est formé par les “ fermes ” antiques, dont l'existence a été mise en évidence en 2003 par Jean-Baptiste Rigot, le géographe de la mission. Ces “ fermes ” étaient étroitement associés à des puits, dont plusieurs dizaines ont été repérés jusqu'à plus de deux kilomètres de la zone résidentielle. Grâce à des systèmes d'irrigation qui ne sont plus visibles aujourd'hui que sous la forme d'éléments épars de canalisations en pierre, une petite surface de terrain était sans doute cultivée autour de chaque puits.

Les problématiques qui guident nos travaux sont multiples mais peuvent se résumer en quelques questions : quelle est la fonction et la chronologie de l'occupation du site de Hégra ? Quel est le statut de cette ville par rapport à Pétra ? Qui y habitait, qui venait s'y faire enterrer et qui venait y rendre un culte à des divinités variées, sachant que la réponse à ces trois questions n'est sans doute pas la même ? Est-on plus “ arabe ” dans cette partie méridionale du royaume nabatéen que dans le nord plus aramaïsé ?

Les pistes de recherches suivies par la mission et ses membres pour répondre à ces questions sont nombreuses. Elles relèvent de deux disciplines, l'archéologie et l'épigraphie, et ont toutes en commun de n'avoir utilisé jusqu'à présent qu'une seule méthode d'investigation, la prospection, sous toutes ses formes. La mission dispose pour cela de documents cartographiques et photographiques de premier ordre (cartes au 1/1 000 et photographies aériennes au 1/5 000 réalisées par l'IGN en 1978-1979, image satellite à haute résolution, etc.). Toutes les données disponibles ont été numérisées et un système d'information géographique a été élaboré par le géomaticien de la mission, Th. Arnoux, afin de prendre en compte et de gérer la dimension spatiale des données collectées sur le terrain.
Les travaux entrepris jusqu'à présent ont montré, comme il fallait s'y attendre, que Hégra est une véritable ville, c'est-à-dire un lieu où se concentrent les activités et vers lequel, lorsqu'on empruntait la route nord-sud traversant le désert, on était naturellement attiré. Sa chronologie, en l'absence de référentiel céramologique, est mal connue mais une occupation y est attestée depuis l'époque hellénistique, IIe/Ier siècle avant J.-C., et jusqu'au IVe siècle de notre ère, voire plus tard. C'est également, comme l'a montré J.-B. Rigot, une oasis où l'eau était abondante. Est-ce un poste frontière ? Rien ne permet de l'affirmer, même si les nombreux officiers militaires attestés dans les inscriptions du site témoignent sans doute de la présence d'une garnison nabatéenne. Il ne faut pas non plus perdre de vue que Hégra n'est pas perdue au milieu d'un désert archéologique et épigraphique. Entre Hégra et al-‘Ulâ, les vestiges sont nombreux. L'objectif que nous devons désormais poursuivre est donc non seulement de compléter et d'approfondir nos recherches à Hégra même, entre autres par des sondages et par l'intervention de spécialistes en céramologie et en sédimentologie, mais également d'étendre notre champ d'action aux environs du site afin, si possible, de comprendre comment se matérialise sur le terrain la frontière méridionale supposée du royaume nabatéen, dans une perspective résolument régionale.

La mission a signé en 2002, avec la société OTV, un contrat de partenariat culturel qui lui a permis, grâce à l'aide financière apportée, de mener rapidement à bien la digitalisation de la documentation cartographique en vue de l'élaboration d'un Système d'Information Géographique.

La mission remercie l'ensemble de ses partenaires institutionnels pour l'aide et le soutien jamais démentis qu'ils lui ont apportés, dans des domaines et à des niveaux divers, à la fois pour l'élaboration de la mission et dans la conduite de ses travaux annuels. Elle remercie également le Vice Ministère des Antiquités et des Musées saoudien pour l'accueil qui lui a été fait en Arabie ainsi que pour l'intérêt que ses membres ont manifesté au programme de la mission depuis la première campagne.

 

Contact : laila.nehme@college-de-france.fr

 

 

 
Le site de Medain El Saleh
 
*
HEGRA, la cité méconnue
*
Historique de la mission Nehmé
*
Les résultats des recherches de 2001 à 2005
*
Les publications
*
En savoir plus ...
 

Retour sur la page d'accueil !