Hégra est le site nabatéen le plus important après la capitale, Pétra, en Jordanie et c'est l'un des sites touristiques les plus visités d'Arabie Saoudite. Il correspond à la localité d'al-Hijr, souvent mentionnée dans le Coran (entre autres Sûrat al-'a‘râf, VII, 71-73 et Sûrat al-Hijr, XV, 80-84), par ailleurs bien connue des historiens et géographes arabes, qui la décrivent comme un village fortifié riche en puits et en terrains agricoles (Tabarî, Muqaddasî, Yâqût, etc.).
Un site antique nommé Egra en grec et Haegra en latin est par ailleurs mentionné chez Strabon ( Géographie XVI, 4, 24), Pline ( Histoire naturelle , VI, 157), Ptolémée ( Géographie , VI, 7, 29) et Étienne de Byzance ( Ethniques , s.v. ) mais il n'est pas certain que ces quatre mentions concernent le même site. Dans la tradition arabo-musulmane, al-Hijr est surtout connu pour être le lieu où le prophète Sâlih tenta sans succès de convertir les habitants, membres de la tribu de Thamûd, au culte du dieu unique.
Hégra se trouve à peu près à égale distance de Tabûk et de Médine et à vingt kilomètres au nord d'al-Ulâ, l'ancienne Dadân. Ce secteur marquait approximativement la frontière entre le royaume nabatéen et le royaume lihyanite. À partir de 106, date de la création de la province romaine d'Arabie, il marquait la frontière de l'Empire et des contingents de la troisième légion cyrénaïque y ont été stationnés au moins jusqu'à la fin du II ème siècle ap. J.-C. Au milieu du IV ème siècle, un « chef de Hégra », peut-être un prince local, est attesté dans une inscription écrite en caractères encore nabatéens, ce qui montre que le site était encore occupé à cette date.
Centre urbain vu du sud
Le site de Hégra est aménagé dans une large plaine au milieu de laquelle émergent des massifs rocheux en grès, distants les uns des autres et relativement peu élevés. Son exploration systématique, de 2001 à 2005, a montré qu'il se compose de quatre ensembles :
Photo @ G. Ferrandis
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Les rochers du Jabal Khuraymât
Qasr al-Bint
des nécropoles, qui contiennent cent onze monuments funéraires, dont quatre-vingt-quatorze tombeaux à façade décorée, auxquels s'ajoutent près de deux mille tombes ordinaires, construites pour les habitants les plus modestes. Une trentaine de ces tombeaux sont datés, par des inscriptions nabatéennes gravées sur leurs façades, de l'intervalle qui s'étend du tournant de l'ère chrétienne à 75 ap. J.-C. Ces documents de nature juridique, dont une copie était conservée dans le temple de la ville, précisent qui avait le droit de se faire inhumer à l'intérieur du tombeau et quelles amendes encouraient les contrevenants.
Photo @ G. Ferrandis
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Entrée du Jabal Ithlib
Édicule rupestre
Inscription nabatéenne
un secteur religieux, installé dans le Jabal Ithlib, le massif rocheux le plus élevé du site, qui s'élève dans sa partie nord-est. On y pénètre par un défilé de 40 m de long qui rappelle le Sîq de Pétra, à l'entrée duquel a été creusée la grande salle de banquet appelée le Dîwân. Dans ce massif et autour ont été taillées de nombreuses niches à bétyles consacrées à des divinités nabatéennes. Elles sont parfois identifiées par des dédicaces gravées en nabatéen et on peut également trouver à proximité les signatures de ceux qui sont venus y rendre un culte. Aucun temple n'a encore été identifié mais les vestiges d'une architecture monumentale sont visibles en différents points (chapiteaux, tambours de colonnes).
Photo @ G. Ferrandis
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Le centre urbain et les fouilles
Un segment du rempart
une zone résidentielle, qui occupe une soixantaine d'hectares dans la partie centrale du site, éloignée des nécropoles. Les structures y étaient construites partiellement en brique crue et sont donc beaucoup moins bien conservées que les monuments rupestres. Elle est entourée d'un rempart, également en terre crue. De nombreux vestiges de bâtiments y ont été repérés à la fois en surface et grâce à la prospection géophysique réalisée par la mission, faisant apparaître une ville qui se serait développée progressivement.
Un des 130 puits
une oasis, c'est-à-dire à la fois un ensemble de champs cultivables, de puits et de fermes qui occupent principalement les parties nord et sud-ouest du site. Elle bénéficiait d'importantes ressources en eau offertes par plus de cent puits creusés dans le sol, dont certains atteignent 7 m de diamètre et 20 m de profondeur, faisant d'al-Hijr un important centre de production agricole.