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QUI EST LE PÈRE JAUSSEN ?

 

Son parcours biographique

Antonin (Joseph-Marie) Jaussen (1871-1962) était à l'inauguration de l'École (1890), et il fut le premier à y être formé pour y devenir professeur (1896).
Grand connaisseur des langues orientales, il commença par être épigraphiste. Ses explorations le rapprochèrent des tribus arabes nomades de l'est, et son intérêt se porta vers l'ethnographie, où il fit un travail de pionnier. Les bédouins l'appelaient " Sheikh Antoun ". Il avait l'allure d'un chef.

 

On voit encore sur les clichés toute l'autorité qui émane de son visage racé, de sa longue barbe, de ses épais sourcils surplombant un regard aigue.

Il étudia d'abord les bédouins situés entre Amman et Maªan, qu'il avait connus lorsqu'il négociait savamment, avec des tribus perpétuellement en guerre, le passage des explorations de l'École. Il vécut parmi eux pendant les étés de 1901 à 1905, prenant leurs coutumes, dormant à même le sol, partageant leur maigre pitance et aidant ses amis lorsque les balles commençaient à voler.
C'était la bonne époque, car les coutumes vieilles de plusieurs millénaires ne tarderaient pas à être bousculées : le chemin de fer du Hejaz allait bientôt atteindre Amman, et sous la pression des Turcs certaines tribus commençaient à se sédentariser depuis 1895 au sud d'es-Salt, en particulier les bédouins chrétiens d'Azeizat, qui s'étaient fixés sur l'ancien site de Madaba.

Jaussen publia ses enquêtes minutieuses dans un ouvrage remarqué, Coutumes des Arabes au pays de Moab (1908, réimprimé en 1948), dont une traduction arabe a été publiée.

L'aisance de Jaussen avec les bédouins rendit possibles trois expéditions importantes (1907, 1909, 1910), qu'il fit avec Raphaël Savignac, o.p. (1874-1951), dans ce qui est aujourd'hui la partie nord-ouest de l'Arabie saoudite. Dans ce pays austère qu'aucun Européen n'avait jamais pénétré, ils recueillirent de nombreuses inscriptions en diverses langues. En outre, Jaussen en profita pour poursuivre ses observations sur les bédouins à l'est de Mada'in Salih, et écrivit ses Coutumes des Fuqarâ (1914, publié en 1920).

Après la guerre de 1914-1918, où il fut officier de renseignements, Jaussen, se jugeant trop vieux pour de longs périples à dos de chameau, resta pourtant fidèle à l'ethnographie, et s'attaqua au cas le plus difficile de Palestine : la ville de Naplouse, célèbre pour sa fermeture et son hostilité aux étrangers.
Son livre Naplouse et son district (1927) fut salué par la critique, particulièrement pour ses descriptions du domaine le plus secret, celui de la vie des femmes.
D'autres monographies devaient suivre, mais il fut appelé au Caire pour la construction d'une filiale de l'École, pour l'étude de l'Égypte ancienne. Par la suite celle-ci devint l' Institut Dominicain d'Études Orientales (IDEO), spécialisé dans l'étude de l'islam.

À 88 ans, sa santé le contraignit à un retour en France, où il mourut trois ans plus tard.

Extrait des Nouvelles de Jérusalem , N°78 (1998),

publié par l'École Biblique, rédigées par J. Murphy-O'Connor, O.P

 

Celui qui a pu photographier les rives de la mer Morte

Félix-Marie Abel publia en 1911 un récit de l'expédition sur la Mer Morte, Une croisière autour de la mer Morte, avec des vues prises par Antonin Jaussen et Raphaël Savignac.
Ces plaques de verre font encore partie de la photothèque de l'École et, pour attirer l'attention des chercheurs sur cette remarquable documentation sur des sites irrémédiablement altérés, Jean-Michel de Tarragon , O.P. en a choisi quelques-unes, dont il a fait faire des tirages soignés. En 1997, il a préparé le catalogue correspondant, Périple de la mer Morte en hiver. 28 décembre 1908 - 7 janvier 1909 , avec l'heureuse idée de tirer parti du journal de voyage inédit d'un participant, l'abbé Aloys Loth, qui ajoute du pittoresque au sévère compte-rendu d'Abel.

 

Cheikh Antoun et son compagnon : deux dominicains de Jérusalem en expédition

 

Ce qui suit reproduit un article de Jean-Michel de Tarragon, O.P. professeur à l'École biblique, paru dans Biblia , n° 32 , octobre 2004, pp. 40-43, illustré de photos N & B des archives de l'École. ( Biblia est une revue publiée aux éditions du Cerf , Paris)

L'histoire des débuts de l'École biblique est illustrée par l'oeuvre de son fondateur, et aussi, parmi les premiers disciples du Père Lagrange , par celle de deux équipes en binômes. Les Pères A. Jaussen et R. Savignac, puis H. Vincent et F. Abel. L'activité multiforme de Jaussen et Savignac est pour beaucoup dans l'originalité que manifesta la toute jeune école de Lagrange. Sur le Père Marie-Joseph Lagrange, O.P., voir Bibbia n° XXX, par le P. Jean-Michel Poffet , directeur de l'École biblique..

Antonin Jaussen (1871 – 1962) est arrivé en 1890 à Jérusalem. Raphaël Savignac (1874 – 1951) y est arrivé en 1893. Jaussen a 19 ans ; Savignac a 18 ans et demi. Ils font leur théologie sur place et ne poursuivront aucune étude complémentaire en France ; ils seront ordonnés prêtres à Jérusalem. Leur formation de jeune adulte est tout imprégnée des idéaux du fondateur : illustrer les textes sacrés par le terrain, avoir un regard critique sur les documents, les monuments, les replacer dans leur contexte historique, géographique, humain.

Avec Vincent et Abel (arrivés en 1891 et 1897), puis Dhorme (en 1899), ils seront les jeunes piliers de l'École biblique. L'immersion de Jaussen et Savignac dans le monde oriental a eu comme heureuse conséquence de leur faciliter l'étude de l'arabe. D'étudier aussi l'hébreu, l'araméen, le syriaque, le sabéen, le palmyrénien, etc., donnera à nos deux héros une meilleure compréhension de l'arabe, par l'instinctif recours aux tournures communes à ces langues apparentées. Comme la scolarité de l'École implique des excursions régulières dans la région, Jaussen et Savignac vont acquérir une connaissance pratique du pays. Ils le sillonnent à dos de mulet, de cheval et de dromadaire, selon la nature du terrain. Vite, ils en seront de si bons connaisseurs qu'ils dirigeront les excursions dans les régions alors inhospitalières du Négeb, du Sinaï, de la steppe transjordanienne et du massif montagneux de Pétra.

Parmi les expéditions célèbres auxquelles Jaussen et Savignac participèrent, signalons la première croisière sur la mer Morte, décembre 1908.
Une initiative de Jaussen, au cours de laquelle Savignac fit de nombreux clichés qui illustrèrent le livre que le P. Abel publia.

Jaussen et Savignac avaient commencé l'année précédente la série exceptionnelle des expéditions au nord de l'Arabie, au Hejaz. Ce travail était en lien avec l' Académie des Inscriptions et Belles-lettres (AIBL) de Paris et devait documenter les civilisations nabatéenne et sabéenne, par l'étude archéologique (monuments, notamment les tombeaux), épigraphique (inscriptions), géographique (cartes), et aussi ethnographique (coutumes des tribus arabes).
La « Mission en Arabie » consistant à explorer des régions d'Arabie fermées aux étrangers, était dangereuse : le Français Charles Huber y avait été assassiné en 1884. Nos deux compères partirent de mars à mai 1907 pour la première étape du voyage. Ils utilisèrent le tout nouveau train du Hedjaz, que les autorités turques étaient en train de construire en direction de la ville sainte de Médine, jusqu'au point où le chantier s'arrêtait et poursuivirent à dos de chameau, armés de leurs fusils, équipés de chambres photographiques en bois, de plaques de verre, d'une boussole, d'une échelle pliante en bois, de 9 mètres, pour procéder aux estampages d'inscriptions gravées sur le rocher.

Ils voyageaient avec leurs chameliers et 4 soldats turcs, chargés de les surveiller pour éviter qu'ils n'aillent explorer les villes saintes de l'Islam. Grâce à sa connaissance des moeurs des bédouins et de leur dialecte, Jaussen dirigeait l'opération. Son tempérament en faisait le chef d'équipe, le " cheikh Antoun ", comme il était surnommé. Leur statut de prêtres était caché aux yeux de ceux que la proximité des lieux saints islamiques rendait suspicieux.
Le premier voyage, celui de 1907, fut un beau succès scientifique, la moisson fut abondante. Le résultat fut plus de 320 négatifs sur plaques de verre, tous conservés, des dizaines d'estampages (offerts à l'Académie), et la publication d'un ouvrage en 5 volumes, devenu un classique : Mission archéologique en Arabie , rééditée au Caire en 1997.

En 1909 et 1910, ce fut plus difficile, et plus dangereux, car ils cherchèrent à pénétrer dans deux autres oasis, dont les habitants réagirent avec agressivité. Jaussen et Savignac durent faire vite, en se déguisant en ingénieurs locaux. Ils durent quitter précipitamment l'endroit, et compensèrent en faisant une excursion exploratoire jusqu'au rivage de la mer Rouge.

Notons une autre activité : les séjours, notamment en 1902 et 1905, dans le village de bédouins chrétiens de Madaba (Jordanie actuelle), d'où Jaussen tira un beau livre sur les coutumes des Arabes.
Avec la guerre de 1914-18, la vie des PP. Jaussen et Savignac prit un tournant original. Ils échappèrent par accident au départ vers les tranchées de la Métropole, car, en été 1914, ils étaient … en plein désert syrien, à Palmyre, procédant à une nouvelle « mission épigraphique », photographiant et recopiant des inscriptions.
Ils furent expulsés en novembre par les Turcs via Beyrouth, vers l'Europe, mais Jaussen, lui, s'éclipsa rapidement sur un navire de guerre britannique, qui le mena à Port-Saïd, où il devint officier interprète du service de renseignement de la marine française.

Là, sa tâche était de traduire de l'arabe les informations secrètes récoltées par ses amis bédouins sur les arrières de l'ennemi turc. Ce travail recoupait celui du colonel Lawrence d'Arabie, bientôt célèbre, que Jaussen rencontra sur la côte d'Arabie, à bord d'un navire-espion français. Jaussen obtint vite qu'on lui envoie de France le P. Savignac, où il avait été entre-temps mobilisé comme infirmier. Lorsque celui-ci arrive à Port-Saïd, en 1916, notre binôme dominicain est reconstitué.
Sur nos navires de guerre, Savignac est envoyé en mission sur la côte syrienne (île de Rouad), puis sur la côte d'Arabie (Jeddah, en 1917). Il en rapporta de superbes photos. Certaines sont accessibles dans le catalogue de l'exposition que nous avons organisée avec l'Institut du Monde Arabe, Paris. On peut se procurer Photographies d'Arabie. Hedjaz 1907-1917, Paris, 1999, à la librairie de l' Institut du Monde Arabe (IMA).

Jaussen restait plutôt à l'État-major, coordonnant le renseignement sur les populations arabes.

A près 1918, l'ère des excursions à dos de chameau était révolue. Jaussen et Savignac poursuivirent activement leurs recherches, essentiellement en Terre sainte.

 

Bibliographie

 

TARRAGON J.-M. de, Bibliographie des travaux d'Antonin Jaussen , in CHATELARD G., TARAWNEH M. (dir.), Antonin Jaussen : Sciences sociales et patrimoine arabe , Amman, Centre d'Études et de Recherches sur le Moyen-Orient Contemporain ( CERMOC ) 1999 - ISBN 2-905465-16-6, p. 227-229.

Précision bibliographique

Les cinq volumes en trois tomes de la "Mission archéologique en Arabie" des Pères Antonin Jaussen (1871-1962) et Raphaël Savignac (1874-1951) sont le résultat de leurs missions entreprises en 1907, 1909 et 1910.
Une réédition en fac-similé de A. Jaussen et R. Savignac - Mission archéologique en Arabie a été publiée, en 3 tomes, par la Société des fouilles archéologiques, au Caire ( Institut Français d'Archéologie Orientale ), en 1997 :

· Tome I : De Jérusalem au Hedjaz Médain-Saleh (mars-mai 1907) , Paris, Ernest Leroux 1909 ;

· Tome II : El-'Ela, d'Hégra à Teima, Harrah de Tebouk , Paris, Paul Geuthner 1914, avec un Atlas (153 planches, cartes et plans) et un supplément : Les coutumes des Fuqarâ ;

· Tome III : Les châteaux arabes, Qeseir 'Amra, Kharâneh et Tûbâ , Paris, Paul Geuthner 1922.
Le compte-rendu du tome II, son atlas et son supplément, a été fait par R. DUSSAUD, Syria I (1920), p. 166-168.

Saisie informatique par Christian Eeckhout, O.P

 

 


 

 
Le Père JAUSSEN
 
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Croquis des tombes
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Le livre de la Mission JAUSSEN

 

 

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